Escalade de la voie Freerider à El Capitan

Nouvel objectif cette semaine : réussir en escalade libre la grande voie « Freerider » du big wall El Capitan (USA) au Yosemite.

L’objectif est superbe et notre motivation à son maximum.
Il ne reste plus qu’à attendre le créneau météo (qui se fait désirer) et nous nous lancerons à l’assaut des 33 longueurs en 7c max !
Partant du principe que la météo est une science exacte mais encore inconnue des météorologues nous décidons de tenter le coup dès aujourd’hui.
C’est donc parti pour 4 jours de Big Wall !

Le matériel. Rajouter deux camalot numéro six, une stat de 80m et on est bon.

Voici notre matériel.
Rajoutez encore 2 x Camalot numéro 6 de black Diamond et une stat de 80m et on est bon.
Pour les vestes, nous avons sélectionné des vestes Softshell à capuche Dru Jacket de DirectAlpine, à la fois coupe-vent, respirantes et résistantes à l’abrasion : le top !

Alex, en libre on a dit.

Alex, en libre on a dit :-)

Jour 1: Le Free Blaste

La première partie de Freerider, le Free Blaste, remonte en 10 longueurs ce qu’on pourrait appeler le socle Del Capitan.
Le caillou est ici beaucoup moins raide mais aussi moins fissuré. Il offre ainsi une escalade  plus dalleuse (mais néanmoins superbe).
On retiendra notamment, les deux 6c+ en pure dalle type science friction ou chaque réglette de plus de 1 cm sera considérée comme une vire de bivouac possible.

Dans L3
Dans L3
Un peu plus haut...
Un peu plus haut…
freerider3
Il y a déjà  beaucoup d’ambiance.

Après 9 longueurs nous arrivons à la première longueur typique de Freerider : 40m de désescalade…
Eh oui ! Tout en libre on vous dit ! Ayant tout enchaîné jusque-là, je me prête au jeu.
Jeu qui nous emmène sur le premier bivouac.
La nuit sera sans étoiles mais aussi sans pluie.
Tant mieux, on apprécie.

Le soleil se couche, pleuvra pleuvra pas?
Le soleil se couche, pleuvra, pleuvra pas?

 Jour 2: Hollow Flake, Ear, Monster of Width.

Aujourd’hui une première longueur en 7a dalle mouillée nous permet de dire au revoir à l’escalade tout en équilibre et en subtilité (et aussi à l’enchaînement intégral).

Plus haut, l’escalade change radicalement.
Le mur se redresse et apparaissent les fissures physiques, of width (OW), cheminées et autres renfougnes exposées.
Le bal est ouvert par une longueur nommé Hollow Flake.
Cette longueur côté 6b propose en tout 100m d’escalade :
D’abord 40m de désescalade, un peu de traversée, encore 40m de Dülfer et 20m de Off Width pénibles, protégés par un unique et mauvais friend.
Autant dire que je suis plutôt content d’arriver au relais et de laisser Alex reprendre la tête dans la longueur suivante (une cheminée expo).

Alex dans la cheminée. (ou peut être est ce la cheminée qui est autour d'Alex)
Alex dans la cheminée.

Après quelques longueurs dans de beaux dièdres fissurés, nous voici de nouveau au pied d’une longueur sympathique : Ear.
Une fissure impressionnante, mangeuse d’homme où, malgré son nom, nul ne vous entendra crier.
Après cette longueur, Alex est lui aussi très content de me laisser la main : nous sommes au pied du Monster of Width et ça fait peur.
15 minutes me seront nécessaires pour préparer mon rack de coinceur, à savoir 2 x numéros 6 et un numéro 5.
On peut parler de temporisation.
Il faut dire que la longueur est impressionnante : une traversée hyper-gazeuse en désescalade pieds à plat, tout en biceps, permet d’arriver en bonne condition physique pour les 40m de Off Width en 5.12 (7a+).

Départ du monster OW.
Départ du Monster OW (Off Width).
Même longueur, vue du haut.
Même longueur (Monster Ow), vue du haut :-)

Après plus d’une heure de reptation, d’épluchage de peau, de cris, de larmes et de sang me voilà en haut de cette monstruosité. Physiquement il ne reste plus grand-chose du bonhomme, à peine de quoi hisser péniblement le sac.
Pendant ce temps Alex fait le choix (judicieux) d’attaquer la longueur à l’aide de jumards et d’étriers. Une longueur plus tard nous sommes au 2ème bivouac où nous passerons notre première nuit en portaledge.

Jour 3 : début de l’ère glaciaire, des longueurs dures et magnifiques

Il est 8h, le jour est bien installé mais le froid est encore vif.
Bien emmitouflé dans nos sacs de couchage « pieds d’éléphant » et nos doudounes Koteka de SirJoseph,  il n’est pas facile de se sortir du lit. Nous prenons notre temps. Progressivement le soleil s’installe sur le sommet de Middle Cathédrale. L’atmosphère se réchauffe. La glace formée pendant la nuit fond enfin et se décroche du caillou.

La grimpe au soleil il n'y a que ça de vrai!
La grimpe au soleil, il n’y a que ça de vrai !

10h, Alex attaque en premier et décide (enfin plus ou moins volontairement) de faire une grande longueur. 80 mètres plus haut, je l’entends enfin annoncer le relais. Il était temps, 1m avant le bout de corde (normal quand on fait trois longueurs en une). C’est donc congelé à souhait que je commence à grimper. Pas facile de grimper en libre dans ces conditions et malgré un mental et une combativité hors du commun (il va s’en dire), une solide onglé aura raison de moi (mais je préfère accuser un friend récalcitrant).

DSCN5357

11h, nous voici au pied du Teflon’s Corner, un 7c de 10 mètres dans un dièdre tout en adhérence sur rien…bref on n’a pas compris.
Il en suit une belle cheminé type « canyoning pendant la fonte des neiges », un 6c paumatoire et trois longueurs d’anthologie nous permettent d’atteindre notre dernier bivouac.

Enduro corner L1.
Enduro Corner L1.
Enduro corner, une longueur parfaite.
Enduro corner, une longueur parfaite.

19h, ce soir nous sommes contents d’avoir le portaledge qui nous permet de multiplier par trois la superficie de notre dortoir.
Une vrai nuit suspendue nous attend. Nuit que nous partageons avec de nombreux compagnons : courbatures sur à peu près tous les muscles. Un froid toujours plus mordant et pour la première fois, une vue sur les étoiles.
Cette nuit, la lune éclaire le mur encore présent au-dessus de nous, le faisant apparaître sous un nouveaux visage, mystérieux et poétique. Nous tentons de profiter de l’instant aussi longtemps que possible mais ce soir Morphée à les bras musclés. Nous rendons les armes et sombrons dans un sommeil profond.

Photo d'art, ce n'est pas de la nature morte mais presque...Une longueur avant le bivouac.
Photo d’art, ce n’est pas de la nature morte mais presque…Une longueur avant le bivouac.

Le bivouac sur le ledge, tant attendu.

Alex et Raph utilisent des doudounes Koteka II SirJoseph et des sacs de couchage « Pied d’éléphant » lors du bivouac :-)

Jour 4 : Quand le froid rencontre le vent, sortie au sommet.                               

Le réveil est un peu difficile ce matin. De plus, les deux premières longueurs sont difficiles sans échauffement : un 7a en fissure à point suivi d’un 6c Off Width ! On s’est fait détruire.
Après ces deux combats, le vent se joint à la bataille et une chose est sûre, il n’est pas dans notre camp. Tel une explosion, il souffle et claque, nous déséquilibre, joue avec les cordes et nos nerfs.
Parfois il est si fort qu’il nous empêche de lâcher une main pour poser un friend ou faire un mouvement supplémentaire.
Il faut alors patienter, rester solide sur les appuis et attendre le bon moment pour continuer la progression.

Au grand maux les grands remède, ici la grimpe en doudoune.
Au grand maux les grands remèdes, ici la grimpe en doudoune. Merci SirJoseph !

Heureusement ce moment ne durera pas trop longtemps, la paroi Del Cap a beau être longue elle n’est pas infinie et c’est trois longueurs plus haut que nous sortirons enfin au sommet, avec le sourire !

Fin de la dernière longueur et sommet.
Fin de la dernière longueur et sommet.
Le half dome.
En face : Le célèbre Half Dôme !

Après trois jours d’escalade et trente longueurs je clippe le dernier relais et commence à hisser le sac.
Tout en effectuant ma répétitive besogne je savoure cet instant où le but est atteint, le rêve réalisé.
Pour l’instant le corps et l’esprit sont rassasiés.
Le corps est nourri par l’effort physique répété et les longues journées de grimpe.
L’esprit, lui, est rempli de souvenirs,  de moments difficiles et de moments de joies qui se mêlent pour en former l’essence.
Bientôt, je sais que tout ce qui a été dur sera occulté ou transformé, et il ne résidera que les instants de joie.
Je sais qu’à ce moment là, il nous tardera alors de retourner dans cette incroyable paroi Del Capitan :-)

1 réflexion sur “Escalade de la voie Freerider à El Capitan”

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Retour en haut